Loop (B. Lozano, Bolsonaro eve)

Dans Loop (B. Lozano, Bolsonaro eve), l’artiste américaine d’origine éthiopienne Julie Mehretu suit le processus de travail qu’elle a mis en place et expérimente depuis le milieu des années 2010 : à partir d’une photographie de presse qui, floutée, recadrée, puis transférée sur la toile devient la sous couche de la toile, l’artiste ajoute un étagement complexe de notations graphiques à l’aide de divers outils et procédés : pinceau à l’encre et à l’acrylique, pistolet à peinture, pochoirs, retouches numériques. Pour cette toile, l’artiste est partie d’une photographie de 2018 montrant une manifestation au Brésil de fervents supporteurs du candidat d’extrême droite et futur président Jair Bolsonaro. 

L’artiste a conservé de la photographie les couleurs chaudes (jaune et vert) du drapeau brésilien arboré et brandit par les manifestants, mais elle l’a floutée suffisamment pour effacer les visages et les repères spatiaux, ne gardant que « l’ADN » de la photographie, sa puissance spectrale. La figure humaine ne disparaît cependant : Julie Mehretu les suggère par l’ajout de marques noires au pistolet à peinture : globes oculaires noirs et vides et bouches hurlantes forment autant de visages fantomatiques et menaçants au cœur de la mêlée acide des couleurs. Les toiles récentes de Julie Mehretu opèrent ainsi selon une chorégraphie dynamique de gestes graphiques, la main de l’artiste renouant avec la force pulsionnelle et sismographique du dessin. L’usage de couleurs exubérantes fait planer une menace qui rappelle inconsciemment un présent traumatique : crise migratoire, dérèglement climatique, feux de forêt géants, ravages écologiques, montée du fascisme, autant de bouleversements profonds dont le travail de Julie Mehretu offre une nouvelle perspective sensible.