Desire was our breastplate
Encre et acrylique sur toile
243,8 × 304,8 cm, 41 kg (96 × 120 in, 90,4 lb)
Le langage calligraphique et stratifié de Mehretu est finement accordé à la transformation constante et désorientante du moment politique. Utilisant l’encre et la peinture, l’artiste estompe, efface et réécrit à travers des couches de médiums transparents, visualisant à la fois l’accumulation de l’histoire et exprimant sa propre réponse.
Dès 2013, Mehretu commence à utiliser des images d’actualité comme point de départ, en brouillant la couleur et la forme, et en utilisant des procédés numériques comme outils d’abstraction. Des photographies de presse de manifestations à Charlottesville, de l’ouragan Sandy, de la guerre civile en Syrie ou de l’incendie de la tour Grenfell sont absorbées dans des peintures qui expriment la nature simultanée et interconnectée d’événements apparemment disparates. Ces images trouvées sont floutées et altérées numériquement, puis pulvérisées à l’aérographe sur la toile — un processus que Mehretu appelle « faire fondre » l’image. Sur cette couche de base, elle ajoute et efface à l’aide de sérigraphie, d’encre et de peinture acrylique.
Desire was our breastplate (« Le désir était notre cuirasse ») prend comme point de départ une photo de presse issue de l’insurrection du 6 janvier, au cours de laquelle des manifestants d’extrême droite, opposés au vote du collège électoral de 2020, ont pris d’assaut le Capitole à Washington. Mehretu transforme cette image de combattants en conflit — armés d’équipements antiémeute et saisis en pleine confrontation — en une éruption cosmique de pourpre profond, indigo, or et noir. En dissolvant l’image documentaire, c’est comme si nous assistions à la dissolution du pouvoir et à sa violente instrumentalisation.
Grâce au déplacement du spectateur autour de l’œuvre, et selon sa position précise par rapport à la toile, les couleurs des marques dynamiques de Mehretu semblent se modifier : par exemple, émettant depuis un certain angle un rose métallique éclatant, et depuis un autre, disparaissant presque complètement. Cela est rendu possible par l’utilisation d’une peinture acrylique dite « à interférence », qui fonctionne selon le principe de réfraction de la lumière. Dans ce processus, des particules de lumière pénètrent dans la matrice peinture/pigment et y diffusent la lumière. Cela diffère de la peinture « iridescente », qui repose sur la réflexion de la lumière. La composition obtenue est donc animée par le mouvement, ajoutant une dimension temporelle essentielle à la peinture.
Le titre Desire was our breastplate est tiré d’une expression employée par la poétesse Robin Coste Lewis dans la performance multimédia récente Archive of Desire, au cours de laquelle Coste Lewis, Julie Mehretu, Vijay Iyer, Jeffrey Zeigler et Charlotte Brathwaite ont médité collectivement sur le poète grec C. P. Cavafy, la diaspora et les espaces liminaux présents dans son œuvre. Cette peinture a été filmée et projetée en parallèle de la récitation du poème original de Coste Lewis, inspiré de Cavafy, accompagnée par deux musiciens.

Installation view, “Julie Mehretu. Ensemble”, 2024, Palazzo Grassi, Venezia. Ph. Marco Cappelletti © Palazzo Grassi, Pinault Collection