Conjured Parts (Epigraph), Aleppo
Encre et acrylique sur toile
152,4 x 182,9 cm
À partir de 2016, l’artiste américaine d’origine éthiopienne Julie Mehretu intègre sur la toile des photographies de presse retravaillées jusqu'au bord de l'illisibilité (floutées, recadrées, agrandies, retournées) qui viennent remplacer les tracés architecturaux et les nuées atmosphériques qui formaient jusqu’alors le fond de la toile. L'usage d'outils numériques de traitement de l'image tels que Photoshop lui permet de ne garder que "l'ADN" de ces images et de les transférer sur toile par projection et aérographie.
Pour Conjured Parts (Epigraph), Aleppo, Julie Mehretu a utilisé une photographie en 2013 montrant la ville de Damas bombardée. Dans les ruines d'un bâtiment, un soldat de l'Armée syrienne libre nous tourne le dos, arme à la main. La photographie retravaillée, dont l’information n’est plus lisible, reste cependant visible sous forme de halos lumineux dans lesquels la figure humaine se dissout presque entièrement. Ces sources visuelles détournées et réemployées sont conduites, selon l’expression de l’historienne de l’art Adrienne Edwards « jusqu'aux extrêmes confins de l'opacité, de l'illisibilité, du retrait ».
Par-dessus cette sous-couche, l’artiste ajoute par la suite un enchevêtrement de marques dans des tons gris noir. La série des Conjured Parts (2015–2017) représente un tournant majeur dans le travail de l'artiste : la toile se peuple d'ombres et de fantômes et la peinture est teintée d'une forme de vulnérabilité et d’anxiété face à l'actualité du monde. L'artiste Glenn Ligon parle de cette série d'œuvres comme le point de départ d'un nouveau langage qui mêle « écriture, pictographie, dédicace et imaginaire ».

Installation view, “Julie Mehretu. Ensemble”, 2024, Palazzo Grassi, Venezia. Ph. Marco Cappelletti © Palazzo Grassi, Pinault Collection