Um Saci, da série Ambiente com Espelhos
Fusain sur toile de coton, cadre en bois ancien et acier brossé
61 × 104 cm
Tirée de la série « Ambiente com espelhos », qui signifie en français « Environnement avec miroirs », cette œuvre participe à la réflexion d'Antonio Oba sur le processus de construction des identités. L'artiste brésilien place, côte à côte, un miroir encadré au reflet éteint et un dessin montrant l'empreinte d'un visage grimaçant dont le regard est occulté.
Le titre de l'oeuvre, Um Saci, désigne le sujet peint et rend hommage au destin tragique et sordide d'Ota Benga, un jeune homme Congolais détenu en captivité au zoo du Bronx au début du 20e siècle. L'une des caractéristiques physiques d'Ota Benga, qui a contribué à justifier son enfermement et à nourrir le fantasme de la sauvagerie de « l'homme primitif », sont ses dents limées, que les occidentaux interprétaient à l'époque comme une preuve de pratiques de cannibalisme quand il n'était question que d'un signe identitaire pour le peuple Pygmée du Congo. Son sourire forcé, dégageant la dentition, était immortalisé par de nombreux clichés d'époque. C'est à ces images qu'Antonio Oba se réfère, élevant Ota Benga au rang de Saci, une créature syncrétique et malicieuse du folklore brésilien qui hante de son rire nocturne les voyageurs imprudents, souvent perçue comme un symbole de résistance.
Oba traite ici de la négation de l'identité des descendants d'esclaves au Brésil ; les éléments de cette œuvre se refusent tous deux à notre regard, nous invitant à « poncer » le miroir de nos histoires personnelles et collectives pour retrouver et bâtir cette identité dont les Noirs au Brésil ont été dépossédés. Il puise dans un imaginaire où le mythe, l'histoire et la religion fusionnent, et tisse, avec une grande liberté, la trame d'un récit qui dépasse les limites d'une interprétation étanche.