No title

Dès le début des années 1960, Lee Lozano évolue au sein de la scène artistique new-yorkaise, côtoyant les figures majeures de l'art conceptuel masculin. Sa radicalité, son indépendance totale et son dédain envers d'autres artistes femmes, bien qu’elles partagent certaines affinités artistiques, l'ont maintenue à distance des mouvements féministes émergents à l'époque. Elle les accusait de reléguer les femmes à une position subalterne de victime. À sa manière, Lee Lozano rejette les assignations identitaires et la domination patriarcale à travers des œuvres où la représentation des corps et des sexes ne fait aucune concession.

À la fois grinçantes et menaçantes, ses toiles vibrent par le traitement frénétique d’une matière picturale particulièrement épaisse. L’artiste retravaille inlassablement la surface jusqu’à ce qu’elle prenne des allures sculpturales. On retrouve dans l’œuvre de petit format au cadrage serré No title (1962), la figure anonyme aux orifices grotesques de l’autre No title (c.1962), présentée de face et fendue d’un sourire vorace. Le caractère phallique du nez protubérant est cette fois-ci d’autant plus marqué qu’il contraste avec le sein représenté en haut à gauche, séparé visuellement du reste de l’espace pictural par un trait, comme un mur qui délimiterait l’espace des genres. Lozano expose l’organe de la virilité pour l’idée de puissance et de domination qu’il évoque, en tant qu’élément central autour duquel s’ordonne la société patriarcale dans laquelle les femmes sont marginalisées.

L’œuvre a été présentée pour la première fois à la Bourse de Commerce dans « Lee Lozano "Strike" » Pinault Collection, 20 septembre 202 - 22 janvier 2024.