Le rêve

1963

Peinture à la bombe et acrylique sur xérographie contrecollée sur panneau, éléments en plastique (une rose avec pétales peints, trois lettres, une araignée) et néon blanc

47 x 97 x 14 cm

Le Rêve de Martial Raysse présente le visage au teint uniformément rose vif d’une inconnue que le hasard d'un accroc a prénommée Ève. Témoin d'une société de consommation en plein essor, Raysse délivre ici le symbole d'un idéal féminin qui s'affiche dans la publicité et les magazines au tournant des années soixante. En effet, à partir de 1961, l’artiste développe une esthétique singulière de la figuration, en déclinant le thème de la femme et des outils de sa toilette. Le Rêve reflète la volonté de Raysse d'exalter la joie de vivre et l'évasion de la « société des loisirs », dans ce qu'elle a de plus standardisé et triomphant. Raysse recouvre l'image d'une couleur éclatante répandue à la bombe, en accentuant son intensité par le néon, le brillant artificiel de la civilisation urbaine.
 

Parmi les artistes du Nouveau Réalisme, Raysse est le seul à partager les techniques du Pop Art, ce qui favorise un rapprochement précoce avec ce mouvement. Réalisé en 1963, l’inconnue du Rêve semble faire écho à une autre femme à la mouche au-dessus de la lèvre - Marilyn, que Warhol crée seulement quelques mois auparavant. À la différence de Warhol qui joue sur la force visuelle du visage de la célébrité, Raysse rend le modèle anonyme en ne présentant qu'un fragment du visage. 

Derrière sa joyeuse et apparente exubérance se trouvent une distance critique et une volonté de Raysse de perturber l’image : la mouche devient une araignée ; une fleur plastique mortuaire lui orne le cou. En réanimant ici les codes du Surréalisme, Raysse explore l'artifice de la société de consommation, oscillant entre fascination et trouble. 

Cette œuvre a été montrée pour la première fois par la Collection Pinault en 2023 au Couvent des Jacobins à Rennes à l’occasion de l’exposition « Forever Sixties »

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