Une seconde d'éternité (d'après une idée de Charles Baudelaire)

Marcel Broodthaers, Une seconde d’éternité (d’après une idée de Charles Baudelaire), 1970

Film 35 mm, noir et blanc. Durée 1".

Une seconde d’éternité (d’après une idée de Charles Baudelaire) de Marcel Broodthaers est une installation, à la fois œuvre et « environnement », conçue en 1971. Le poète et artiste belge présente le film le plus court du monde, un temps intitulé La signature ou Ma signature : réalisé à la main selon la technique d’animation image par image, 24 photogrammes s’enchaînent, affichant les initiales de l’artiste, « MB ». Projeté en boucle, un film d’une seconde donne à voir la signature de Marcel Broodthaers, réduite aux deux seules lettres de ses initiales. L’œuvre, dès lors, s’énonce elle-même, sous sa forme la plus suc-cincte : le nom de son auteur, qu’elle réitère sans cesse.
À travers cette œuvre, Broodthaers interroge la nature du film et du film dit « d’artiste ». Avec l’inscription, presque magique, de ce paraphe sur la pellicule, il ques-tionne aussi sa valeur intrinsèque et symbolique. L’œuvre-film est traitée comme un objet : son exposition est régulièrement accompagnée de l’accrochage de photogrammes, fixant la signature qui ne cesse d’apparaitre et de disparaitre dans la projection. Réduisant la part de l’artiste à une signature, reprenant le titre d’une expression que Baudelaire n’a jamais écrite telle quelle, Broodthaers interroge « le début d’un système de mensonges ». Par ce titre qui n’est ni tout à fait le sien, ni tout à fait celui de Baudelaire, par cette image qui est aussi un signe, par cette image mouvante qui est aussi fixe, Marcel Broodthaers lézarde des catégories bien établies. Une seconde d’éternité, ou La Signature, souligne, en le pous-sant à son paroxysme, le caractère normatif du format du film d’artistes à l’époque, excédant rarement quelques minutes. L’œuvre cherche la limite des conditions de projection ou « monstration » en contexte d’exposition, la limite aussi de l’attention du visiteur circulant d’une projection à l’autre. Comme Narcisse qui, épris de sa propre image, en devient captif, au point de ne plus jamais pouvoir se détourner d’elle. À ce propos, Broodthaers écrit : « Une seconde pour Narcisse, c’est déjà le temps de l’éternité. Narcisse a répété indéfiniment le temps de 1/24e de seconde. La persistance rétinienne chez Narcisse avait une durée éter-nelle. Narcisse est l’inventeur du cinéma. »

Cette œuvre a été présentée par la Collection Pinault dans les expositions « Passage du Temps » (2007-08), 
au Tri Postal de Lille, « Dancing with Myself » (2018), à la Punta della Dogana à Venise, et « Une seconde d’éternité » (2022), à la Bourse de Commerce à Paris. 
 

Expositions
les autres œuvres de Marcel Broodthaers