Bitte nicht nach Hause schicken (Please Don’t Send Home)

1983

Huile sur toile

120 × 100 cm

Bitte nicht nach Hause Schicken (1983) est un autoportrait du peintre allemand Martin Kippenberger. L'artiste surgit sur fond carré et bancal, émergeant lui-même d'un fond blanc peint grossièrement sur une toile rugueuse. Un liseré rectangulaire tracé au crayon autour du portrait indique que la source de cette peinture est un simple Polaroïd, cliché issu d'un appareil photographique instantané ; la photographie originale sera d'ailleurs dévoilée en 1987 par l'artiste dans son œuvre Korrekte Syntax.

Voûté, les bras ballants, le visage figé dans une attitude qui semble embarrassée, Martin Kippenberger se représente en chemise et veste, une pancarte au cou portant une inscription rédigée en lettre majuscules bleues – « BITTE NICHT NACH HAUSE SCHICKEN » – qui signifie « Prière de ne pas renvoyer à la maison ». Ce faisant, l'artiste met en abyme une de ses propres œuvres, The Night Is Alright (1982), une installation qui consiste en une pancarte similaire suspendue à un crochet et portant le même message. Derrière lui, le fond noir profond, fendu d'un trait bleu à la clarté d'un éclair, suggère la nuit ou l'intérieur sombre d'un club. Dans ce face à face immobile, le regard de l'homme s'échappe au-dessus du regardeur.

Cette mise en scène fait aussi écho aux photographies diffusées par ses ravisseurs de l'ancien officier nazi et puissant industriel allemand Hanns-Martin Schleyer retenu en otage pendant 43 jours par la Rote Armee Fraktion (Fraction Armée Rouge) avant d'être exécuté. Figure de l'errance, l'artiste, paria d'un monde codifié, porte la mémoire des tragédies du monde contemporain et de ses victimes, juifs, homosexuels, handicapés, déportés, exterminés… Martin Kippenberger dérange, provoque et entretien son irrévérence légendaire.

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