101 Art Ideas

1999

Technique mixte

Dimensions variables

Des 101 Art Ideas You Can Do Yourself de Rob Pruitt, on peut dire qu’elles illustrent parfaitement la culture du Do It Yourself (DIY, « faites-le vous-même »), en appliquant à la lettre sa philosophie de démocratisation et de démythification de l’acte créatif. Si trente-cinq de ces brèves instructions aux faux airs d’haïkus furent réalisées en 1999, lors de la première exposition personnelle de l’artiste à la galerie Gavin Brown’s Enterprise à New York, une large diffusion leur a été assurée depuis Internet et à l’occasion de diverses présentations et distributions au public sous forme de listes. De tels « énoncés d’art » induisent en effet une multiplicité d’auteurs qui sont invités à les interpréter, comme une partition ou un guide de recettes, pour donner lieu à d’innombrables réalisations potentielles d’idées d’œuvres. Dès lors que chacun peut s’approprier cet ensemble de directives, ce sont les notions mêmes d’artiste, d’unicité de l’œuvre et de propriété privée qui se voient simultanément contrées. Avec son esprit satirique coutumier, Rob Pruitt suggère une série d’actions réelles ou imaginaires, aussi simples que désopilantes, qui, en se focalisant sur l’univers domestique et quotidien, renvoient à la célèbre maxime de Robert Filliou : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. » Le principe des 101 Art Ideas s’inspire, à l’évidence, des formules langagières écloses dans l’orbite des activités performatives et dématérialisées de Fluxus et du conceptualisme ; que l’on songe, entre autres, aux Instruction Pieces de Yoko Ono, à la boîte Water Yam de George Brecht ou aux Statements de Lawrence Weiner. Rob Pruitt De même, beaucoup de ces propositions, qui font explicitement référence à des œuvres antérieures, engagent à composer, sur le mode du remix ou d’une cover song, des reprises de certains grands hits du monde de l’art apparus depuis les années 1960. Faisant feu de tout bois, Rob Pruitt recourt en particulier à la figure de l’autoréflexivité en soumettant l’idée de constituer une liste, une compilation ou une collection. Et ce n’est d’ailleurs pas la moindre ironie facétieuse que de voir figurer, au numéro 80, l’actuel propriétaire de la pièce : « Inventez une nouvelle couleur et donnez-lui un nom. François Pinot » [sic].

Alexandre Quoi, extrait du Catalogue de l'exposition « Art Lovers. Histoires d'art dans la Collection Pinault », Éditions Liénart, 2014, p. 190-191.

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