Gray and Blue Monochromes after Stieglitz: 1-36

2010

Peinture Flashe sur panneaux d’acajou

71.1 x 53.3 cm (28 x 21 in)

Cette œuvre s’inscrit dans une série « d’appropriations » de l’artiste comme « After August Sander » ou « After Russel Lee » qui avaient été exposées dans l'exposition « Ouverture » à la Bourse de Commerce en 2021. Sherrie Levine revisite ici la série « Equivalents » (1925-1934) d’Alfred Stieglitz, qu’elle décompose en 36 images monochromes, dont les teintes varient du gris anthracite au bleu foncé. Alors que les photographies originales donnaient à voir des fragments de ciel nuageux, Levine n’en conserve que quelques couleurs qui, rassemblées, forment un nuancier sobre et minimal. La série de Stieglitz, en s’affranchissant de la représentation du sujet, pose un jalon important dans l’histoire de l’abstraction photographique. Bien que les œuvres de Levine semblent, par leur aspect, s’en distinguer radicalement, les considérations conceptuelles qui les animent n’en sont pourtant pas si éloignées, puisqu’elles abstraient encore davantage les images de leur fonction illus-trative. En mettant en relation les nuages captés par Stieglitz presque un siècle plus tôt avec des tableaux monochromes, que l’on associe intuitivement au modernisme d’après-guerre, mais également à la photographie post-conceptuelle, Levine associe ces multiples références au sein d’une histoire commune. Le contraste avec la série initiale n’est pas que formel, mais également identitaire. En inscrivant son travail au sein d’un canon artistique largement dominé par des hommes, l’artiste vient rétrospectivement pallier l’invisibilisation des artistes femmes, de manière à critiquer une historiographie de l’art largement construite autour du regard masculin. Dans cette perspective, Levine ne produit pas de copie, mais plutôt une série de décalages qui viennent interroger l’écart entre différentes images et leurs contextes respectifs.

Une série de 36 images monochromes, allant du bleu au gris, scande le mur. Au départ, une impression s’installe : celle de voir un ensemble de tableaux abstraits faits d’une seule couleur, dans la lignée des grands héros de la peinture contemporaine tels Aleksander Rodchenko ou Yves Klein. On sera sans doute surpris de constater qu’il s’agit en fait d’une appropriation du travail du célèbre photographe Alfred Stieglitz (1864-1946) par l’artiste américaine Sherrie Levine. Celle-ci a tiré, à partir de la célèbre série de Stieglitz intitulée « Equivalents », représentant des vues de nuages, plusieurs tableaux qui, exploitant au maximum une des teintes des clichés, ne figurent plus qu’une seule couleur. À sa manière, Sherrie Levine s’approprie les désirs de Stieglitz, qui cherchait au travers de ces images de nuages, à faire que la photographie se détache au maximum de son référent visuel. Le photographe souhaitait s’approcher d’une forme de photographie autonome, qui puisse exprimer des émotions et en faire ressentir, sans passer par l’intermédiaire d’une figuration précise, à l’image de la musique. C’était le sens même du titre « Equivalents » : Stieglitz souhaitait que ses clichés puissent agir comme des « équivalents » d’autres médiums, peintures ou sons, et surtout que la temporalité spécifique et instantanée de la photographie puisse laisser place à une durée, à un étirement du temps propre aux autres disciplines. 
Nicolas-Xavier Ferrand, extrait du catalogue de l’exposition